Le storytelling est-il mort et enterré dans le rap français ? – Radio France

Comme s’il était une solution miracle, le storytelling avait dans les années 90 un pouvoir assez exceptionnel : celui de transformer les morceaux de rap français en classiques absolus. De La lettre de Lunatic à Petit frère d’IAM en passant par L’enfant seul d’Oxmo Puccino, nombreux sont les artistes a avoir conté de longues histoires grâce à leur talent d’écriture certain, au coeur de morceaux depuis confortablement installés au panthéon du rap français. Pourtant, si l’on se penche sur ces propositions de ces dernières années, le storytelling ne semble plus aussi utilisé qu’auparavant. Alors le rap français a-t-il cessé de raconter de longues et belles histoires ? Focus sur cette méthode d’écriture et son évolution au fil des années.

Quand le rap français narrait de longs récits

Retour en 1998. Deux ans pourtant avant le nouveau millénaire, une révolution s’est déjà installée dans le rap français. Et ses leaders sont aussi nombreux que talentueux : ils s’appellent Akhenaton, Oxmo Puccino, Dany Dan ou encore Shurik’n, et du haut de leurs morceaux rythmés et enivrants, ils font certes bouger la tête, mais ils racontent aussi des histoires. Qu’elles abordent le quotidien d’un vendeur de drogue, les embûches d’un parcours de vie cabossé, les soirées enflammés et les difficiles conditions de vie dans les quartiers populaires, les voix des rappeurs portent à l’époque des récits de vie jusqu’alors peu mis en avant dans l’espace public, voire complètement absents. Une première pour la musique française, qui porte désormais les voix d’artistes bien souvent issus d’une classe sociale peu représentée. Alors, au fur et à mesure que s’installent les rythmiques boom-bap si caractéristiques dans les morceaux de rap de la fin des années 90, une nouvelle forme d’écriture et de narration devient de plus en plus utilisée : elle s’appelle le storytelling.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Le storytelling dans le rap, c’est comme son nom l’indique l’art de raconter une histoire complète sur plusieurs couplets, le plus souvent avec son début, son développement et sa chute. Et dans les années 90, si son utilisation se fait de plus en plus fréquente, c’est pour plusieurs raisons : le storytelling permet de développer une longue histoire en moins de 5 minutes, laisse aux auditeurs et auditrices la possibilité de s’y identifier, mais aussi et surtout, fait bien souvent passer des messages. Sur leur album iconique et incontournable « L’école du micro d’argent » sorti en 1997, IAM utilisait par exemple le storytelling sur le fameux morceaux « Nés sous la même étoile », qui au travers d’habiles comparaisons et de récits personnels dépeint toute la violence symbolique des inégalités économiques et sociales. Et ce n’est pas le seul de l’album : sur son morceau le plus écouté et certainement l’un des plus célèbres du rap français des années 90, « Petit frère » est aussi un storytelling qui raconte en trois actes l’évolution d’un jeune personnage à l’ambition débordante qui l’amène à de nombreuses sorties de route. Une recette qui, si l’on regarde les morceaux classique de cette époque, semble être très efficace : « La lettre » de Lunatic, « L’enfant Seul » d’Oxmo Puccino, « Samouraï » de Shurik’n ou encore « Train de nuit » des Sages Poètes de la Rue : tous ces morceaux usent du storytelling, et tous sont encore aujourd’hui des classiques absolus du genre.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Alors porté par ses morceaux très bien bien accueillis par le public et la presse spécialisée, le storytelling devient, dans la France de la fin des années 90, cette structure superstar aussi efficace que poignante. Mais au fil de leurs expérimentations, les rappeurs de l’hexagone n’hésitent pas non plus à raconter d’autres récits, moins profonds et engagés, mais plus légers et tournés vers la fiction. C’est notamment ce que fait Disiz la Peste dans l’incontournable « J’pète les plombs » en 2000, morceau dans lequel il incarne un personnage criblé de stress et d’angoisses prêt à ouvrir le feu pour un Mc Morning ou une mauvaise remarque.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Six ans plus tard, c’est au tour d’Oxmo Puccino de mêler fiction et storytelling, mais cette-fois ci, il le fait sur un album tout entier dans Lipopette Bar, sorte de fiction qui mêle les ambiances fumeuses d’un bar de la prohibition au jazz vibrant des Jazzbastards. Au début des années 2000, le storytelling connaît alors quelques mutations : il aborde d’autres thématiques, et se décline d’une simple chanson à un album tout entier. Pourtant, malgré d’autres énormes succès comme le fameux « Confessions nocturnes » de Diam’s et Vitaa, ce mode de narration semble au fil des années 2000 être de moins en moins utilisé. En est-ce pour autant la fin du Storytelling dans le rap français ?

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Des nouvelles formes de Storytelling

Comparé à sa fréquence d’utilisation dans les années 90, il est clair que les années 2000/2010 ont été le théâtre d’un net déclin de l’utilisation du storytelling dans ses propositions, certainement expliqué par l’apparition progressive des plateformes de streamings, qui en plus de favoriser la lecture des morceaux courts et facilement rejouables ne laissent plus tellement d’espace à de longs morceaux de six minutes au textes lourds et aux refrains absents. Pourtant, comme s’il était finalement un exercice indéboulonnable de la pratique rap en France, le storytelling n’a jamais complètement disparu des radars, notamment grâce aux textes d’un expert en la matière : un certain Orelsan. De son premier album « Perdu d’avance » à son dernier en date « Civilisation », le normand le plus célèbre de l’hexagone n’a jamais cessé de raconter de longues histoire tout au long d’un morceau, de No Life à La petite marchande de portes-clefs en passant par Manifeste. Au-delà d’être un terrain idéal pour laisser couler sa plume juste et captivante, Orelsan a aussi fait de son storytelling une véritable marque de fabrique tant il s’est mué au fil des années en un conteur d’histoires hors pair.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Dans un autre registre, c’est le virtuose Laylow qui usait du storytelling sur Swich, fabuleux morceau issu de son projet Raw-z sorti en 2018, qui raconte les peines et les obstacles que le jeune Jey a du surmonter tout au fil de son adolescence. Alors, en ayant évidemment nourri sa passion du rap aux classiques des années 90, le toulousain usera à nouveau du storytelling pour leur rendre hommage, en 2020, avec la sortie du morceau « De Bâtard », qui conte sur une production boom-bap épurée de 4 minutes les galères d’une famille aux abois, d’un père lâche et d’un huissier dépourvu de tout état d’âme, en reprenant les codes d’écriture et de structure fidèle à ceux du premier âge d’or du genre. Mais Laylow, au-delà d’être un virtuose excentrique et surdoué a aussi prouvé qu’il pouvait être un conteur d’histoires hors-pair, le temps d’un morceau certes, mais aussi et surtout le temps d’un album entier.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Avec son dernier « L’Étrange Histoire de Mr.Anderson » en date, Laylow dessinait la relation entre deux personnages fictifs le temps d’un album de haut vol, aussi réussit tant musicalement que dans sa visée narrative. Une nouvelle forme de storytelling en somme, qui déroule une histoire sur un album entier tout en glissant plusieurs morceaux guidés par un storytelling poignant, de Lost Forest à Voir le monde brûler. Dans cette lignée des albums-concepts, SCH avait lui aussi trois ans plus tôt présenté l’iconique « JVLIVS », qui contait sur 17 morceaux les exploits fictifs d’un personnage trempant dans des business aussi dangereux que frauduleux.

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d’intérêt.

Alors finalement, fort est de constater que depuis la fin des années 2010, la forme du storytelling n’est plus la même que celle des années 90. Plus hybrides, abordant de nouveaux sujets et parfois répartis sur une bonne dizaine de morceaux, les rappeurs racontent toujours des histoires : si la façon de le faire a bien changé, le fond, lui, continue de narrer des récits aussi poignants que passionnants. Alors que ce soit avec Tuerie et son brutal « Tiroir Bleu » ou avec Luidji et son splendide « Téléfoot » récemment sorti, une chose est sûre : le storytelling francophone est loin d’être mort, il s’est simplement libéré de ses codes déterminés dans les années 90 pour évoluer vers des formes plus hybrides, plus novatrices, mais toujours aussi touchantes. Alors pour ces années à venir, c’est certain : le rap français a encore de longues histoires à vivre.

!function(f,b,e,v,n,t,s)
{if(f.fbq)return;n=f.fbq=function(){n.callMethod?
n.callMethod.apply(n,arguments):n.queue.push(arguments)};
if(!f._fbq)f._fbq=n;n.push=n;n.loaded=!0;n.version=’2.0′;
n.queue=[];t=b.createElement(e);t.async=!0;
t.src=v;s=b.getElementsByTagName(e)[0];
s.parentNode.insertBefore(t,s)}(window, document,’script’,
‘https://connect.facebook.net/en_US/fbevents.js’);
fbq(‘init’, ‘388108576140453’);
fbq(‘track’, ‘PageView’);

Source link

Source: News

Add a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *